Cameroun : quand la mort et la douleur deviennent des spectacles

Article : Cameroun : quand la mort et la douleur deviennent des spectacles
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2 avril 2019

Cameroun : quand la mort et la douleur deviennent des spectacles

DOUALA – Lycée bilingue de Deido: Tchanou Ousmane Blerius, élève en classe de 2nd C dans cet établissement scolaire célèbre par les faits divers qui s’y multiplient, a rendu l’âme vendredi 29 mars 2019.

D’après les témoignages recueillis ça et là, tout serait parti d’une dispute qui a mal tourné entre la victime et quelques uns de ses anciens camarades, exclus de l’établissement plusieurs mois plus tôt.

Un responsable de l’établissement explique d’ailleurs que, c’est lors d’une rixe que Blerius, garçon unique à ses parents, a été mortellement poignardé par un membre de ce gang d’anciens délinquants du lycée qui tentait de lui arracher son téléphone portable, quelques minutes après la remise des bulletins de fin du second trimestre.

Transporté de toute urgence à l’hôpital du district de Deido, situé à quelques encablures du lycée, pour recevoir des soins intensifs, la victime a succombé à ses blessures et a rendu l’âme sur le champ après une tentative vaine des médecins de le réanimer.

L’émoi et la consternation des camarades de la victime – image issue des réseaux sociaux, reproduite avec autorisation

Seulement, quelques minutes plus tard tard, des vidéos et des images insoutenables de la victime agonisant sur son lit de mort, sont retrouvées sur les réseaux sociaux et même diffusées à la télévision. Les auteurs de cette barbarie d’un autre genre, sont des infirmières, des mamans, ces criminelles, qui au lieu d’assister le médecin, se sont plutôt transformées en camerawomen et ont carrément passé le temps à immortaliser ces moments de peine et de douleur pour ensuite les balancer sur les réseaux sociaux. Quel manque d’humanité !
Malheureusement, ce genre de scène est devenu banal au Cameroun. La douleur et la mort sont devenues des spectacles que les uns et es autres photographient et enregistrent dans leurs téléphones pour ensuite les faire voir à qui le veut, juste pour le buzz.

Mais, à vrai dire dire, comment peut-on filmer des gens entrain de pleurer à chaudes larmes sur leur mort? Comment peut-on photographier un mort couché dans un cercueil? Comment peut-on photographier un malade grave qui se bat avec la mort et exposer cela en mondovision? Comment peut-on prendre en image ou en vidéo un accidenté qui agonise ?

PHOTOGRAPHIER DES MORTS EST SI INDÉCENT ET INTOLÉRABLE…

Oui, qui n’a donc jamais vu ces photos et ces vidéos de morts se balader partout dans les téléphones, les tablettes, sur les réseaux sociaux, dans certaines télévisions ? Ces morts qu’on affiche partout et montre à qui veut les voir, du lit de mort, à la morgue, jusqu’au tombeau ?  Eh oui, il y a effectivement des gens mal intentionnés comme ça, qui adorent tellement avoir en leur possession ce genre de vidéos et de photos tristes des obsèques et des personnes décédées, les admirant et les montrant à qui veut les voir, à longueur de journée.

L’émotion devant l’hôpital après le décès du jeune élève – image issue des réseaux sociaux, reproduite avec autorisation

Nos reporters cadavériques sont ces gens qui ne vont jamais vraiment dans les deuils pour le mort, dans les lieux de crimes pour les victimes, dans les lieux d’accident pour les blessés et les décédés, mais sont là, juste pour profiter des vidéos et photos «insolites» pour leurs commentaires de quartier et leur buzz sur Facebook ! Quel drôle d’hommage ! Que d’indécence !

Personne au monde, je dis bien personne, ne souhaiterait que les gens le regardent (des inconnus en plus), ainsi couché, après sa mort, comme dans un film d’horreur. Personne ne souhaite se voir filmé entrain de souffrir ou de mourir. Personne !

Pourquoi certains Camerounais manquent-ils donc si bizarrement et si cruellement de tact et de savoir vivre ? Pourquoi manquent-ils de cœur et d’humanisme ? Non, la mort n’est pas le baptême ou le mariage quand même ! Eh, si le mort là pouvait se relever et sortir de la vidéo ou des photos là, vous gifler vous tous qui le regardez couché là, clac, clac, clac, casser tous vos machins d’appareils là, crac, crac, crac et de se rendormir en paix et éternellement !

Une campagne contre les vidéos et photos de morts – image issue des réseaux sociaux, reproduite avec autorisation

LA MORT N’EST PAS UN SPECTACLE GAI POUR EN FAIRE DE LA PUBLICITÉ…

Oui, je peux comprendre que ces reporters d’un autre genre aient été tellement attachés au défunt, et qu’ils veulent donc toujours rester, jusqu’à la dernière minute en contact avec lui. Chose normale ! Personne ne le leur refuse. C’est leur droit le plus absolu. Mais ces inconnus qui photographient la douleur et la mort, quel est leur intention ? Puissent ces gens comprendre que la mort n’est pas un spectacle gai qu’il faille à tout prix immortaliser comme une archive et le montrer à tors et à travers au premier venu. La mort, c’est triste, c’est mélancolique, c’est effroyable ! Elle n’est pas une « imbécilité ». Alors, n’en faisons pas la pub !

Et puis, je demande hein, filmer les obsèques là et photographier des morts, c’est même pour qui à la fin ? Le mort ou vous ? Sachant que le mort lui, est déjà parti non ? Qu’il ne reviendra plus jamais ! C’est sûr ! A quoi ça sert donc finalement de le photographier ?

 

Se livrer donc à de telles bassesses et autres « barbaries », c’est comme si on devait enterrer le mort avec ces lecteurs DVDs, ces smartphones, ces ordinateurs, ces photos prises et enregistrés, ces CDs, pour qu’il revoit paisiblement ses tristes obsèques là où il s’en est allé, dans l’au-delà. NON ! Trois fois non ! Il faut respecter la mort et les défunts ! Ils ne méritent pas ça et n’auraient jamais accepté pareils traitements de leur vivant ! La mort est tellement dure ! Il n’est donc pas question de la banaliser autant, en vilipendant ainsi les pauvres défunts au travers des images et autres vidéos publiées ça et là, et diffusées partout, sans le moindre respect de la dignité humaine.
Respecter la mort, c’est respecter la vie, parce que personne ne choisit de mourir et ne souhaite se voir sur des vidéos et des photos, enfermé dans un cercueil, étalé dans du sang, agonisant, les gens pleurant autour de lui! Il est absolument nécessaire qu’on arrête cette laide besogne et qu’on apprenne enfin à respecter nos chers morts. La mort et la douleur ne sont pas des spectacles à immortaliser.

 

Qu’on arrête la sorcellerie. C’est tout simplement pathétique. Dieu merci les infirmières criminelles qui ont réussi l’exploit de photographier et prendre les vidéos du jeune lycéen décédé ont été suspendues de leur service par le ministre de la Santé. C’est déjà un pas.
Paix aux âmes de ceux qui nous ont précédés. Que la terre de nos ancêtres leur soit légère.

 

Fabrice NOUANGA
Contact WhatsApp: +237-694-658-721

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