Savez-vous même comment vivent les Camerounais « d’en bas »?
Profitant d’une petite ballade touristique à Douala, j’ai trouvé un peu de temps pour rendre visite à une famille amie. Elle vit dans un quartier populeux et perdu de la ville: Makèpè Missoké.
J’étais accompagnée pour la circonstance d’une amie, de très bonne famille, fille d’un haut cadre de la place, née et grandie au Canada et en congés au Mboa. J’ai absolument tenu à lui faire découvrir ce Kamer « d’en bas » qu’elle ignorait tant.
Son courroux était énorme. Elle m’avoua alors qu’elle n’avait jamais vu autant de misère. En fait, à Makèpè Missoké, il règne une insalubrité déconcertante, une insécurité frissonnante, et une pauvreté les plus scandaleuses.
Une fois dans la maison, une odeur pestilentielle se dégageait des lieux. C’était l’enfer. On nous a reçu avec un « réchauffé » de la veille : du riz à la sauce d’arachide. Le spectacle vécu était insupportable pour la fille « for tété ». Le degré de pauvreté qu’elle a vu dans cette famille, n’a malheureusement pas permis qu’elle reste plus longtemps. Elle a dû avoir un malaise et s’en est allée, les larmes aux yeux, toute frileuse et tremblante, non sans leur avoir laissé quelques billets de CFA, m’abandonnant avec mes « misérables » !
Un monde sans vie; un monde de survie
Eh oui, la vie était presque morte dans ce hameau. La mère de la maison, âgée de 55 ans, vend de la banane et des arachides grillées pour faire survivre la famille; elle est mère de 8 grands enfants, 7 filles, 1 garçon, tous au chômage, avec 8 petits fils et filles. Le mari lui, croule sur ses 60 ans; il est cordonnier. Tous vivent dans une petite cabane de 2 chambres en terre battue, qu’ils louent depuis de longues années. Père, mère, enfants et petits fils, s’escriment dans cette vie de marginaux où les drames font partie du quotidien.
Comme cette famille, beaucoup d’autres Camerounais des quartiers comme Mabanda, Mokolo Elobi, Village, Etam Bafia, Elig Edzoa… vivent dans cette intolérable misère et cette invivable pauvreté. Elles tirent le diable par la queue. Elles suffoquent. La pauvreté sévit à tous les niveaux. Ils ne vivent pas. Ils survivent. Leur misère animalesque se fait ressentir à plusieurs niveaux.

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AU NIVEAU DE LA SCOLARITÉ
Le niveau scolaire dans ces familles est généralement nul. Le diplôme est un mythe. Les conditions si difficiles de la vie n’ont jamais permis d’aller à l’école. Ceux qui ont même pu le faire, n’ont jamais pu franchir la classe de CM2, faute de moyens.
Les parents et les enfants ont tôt fait d’arrêter les études pour se lancer trop précocement dans la vie active et la débrouillardise. L’analphabétisme dicte sa loi. Ici, personne ne sait rien.
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AU NIVEAU DES REVENUS
On ne dispose pas du moindre franc. L’argent est rare. D’ailleurs, on n’en trouve même pas. Personne là-bas ne peut vous dire la couleur d’un billet de CFA. Jamais vu. Aucunes économies, aucunes réserves, aucuns revenus, rien.
Les pauvres parents se battent donc parfois seuls à faire de petites activités humiliantes, pour au moins avoir un peu de fric et pouvoir nourrir les nombreux enfants. Pendant que les filles se « vendent » dans les rues, les garçons; eux, se livrent à l’alcool, au tabac et à la débauche.
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AU NIVEAU DE L’ALIMENTATION
Ici, le repas n’existe pas. La sous et la malnutrition sont criards. On mange d’ailleurs une seule fois par jour : 22h. Celui qui n’est pas là au moment de ce repas de fortune, attendra le lendemain. Et quels repas même! Du riz « sauté », du riz blanc avec de l’huile rouge, du tapioca aux arachides grillés, des beignets-bouillie-haricots
Il y a même carrément des jours où on jeûne, obligés de croquer les arachides ou de boire simplement de l’eau fade. L’eau en question, étant celle des puits et des sources mal entretenus. Aucune potabilité. Bienvenue les amibes ; bienvenue la mort.

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AU NIVEAU DE LA SANTÉ
Très vite vieillis par la mauvaise vie, les parents croupissent si rapidement et tombent trop souvent malades. Les petits enfants eux, sont maigres, rachitiques, sales et souffrent des maladies rares et celles de la mal et de la sous nutrition. La misère les fait faner, elle les détruit, elle les avilit, elle les dénature.
Malade, pas possible d’aller à l’hôpital. D’où leur viendra le fric? On croule ainsi avec sa maladie à la maison, ingurgite quelques potions traditionnelles; de vieilles herbes ou des écorces du marabout. L’indigène et ses herbes miraculeuses est roi. Ici, même le moindre mal de tête peut vous emporter ; car point de 100f pour un para. Ahurissant!
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AU NIVEAU DU LOGEMENT
La maison habitée est généralement une cabane des plus inconfortables, ouverte à tous les vents. Elle est exposée à toutes les intempéries à cause des nombreuses fentes, crevasses et trous. La nuit, l’éclairage jaunâtre d’un candélabre, allié à la lumière vivante du feu, donne un caractère intimiste et feutré au minuscule salon, dont la majeure partie s’évanouit dans l’ombre.
Ces taudis sont très souvent abjects, sales, fétides, infects, ténébreux, sordides. Pour tous meubles, une chaise de paille, une table infirme, quelques vieux tessons, et dans deux coins deux grabats indescriptibles.
En saison sèche, c’est la poussière qu’on avale et boit tous les jours ; en saison des pluies, la boue et les moustiques dictent leur loi. D’ailleurs, ici on cohabite avec les souris et les cafards. Ils sont devenus des « frères ». On dort 6 par chambre, ou au salon sur des lits de récupération et des matelas crasseux, ou même carrément, en même le sol. Rien, d’une maison normale. La mairie et ses gros bras sans cœur, sont d’ailleurs souvent vite venu écrire dessus : « A détruire ».

La misère, un vrai calvaire, une vraie doctrine
Voilà ainsi décrite, la triste réalité de ces familles pauvres et misérables du Kamer ; ces familles qui vivent tous les jours le calvaire de la pauvreté et de la galère et qui n’ont aucun espoir d’y sortir un jour. Et paradoxalement, pendant ce temps, une classe dite des « riches », elle a carrément confisqué tous les biens de la République et s’en est approprié. Oui, eux ils ont paupérisé le peuple et lui font boire la poussière de la misère.
Ils vivent le bonheur, le luxe, cassent les champagnes, les vins mousseux, habitent les châteaux et les villas, roulent dans les voitures les plus chères, dorment paisiblement dans les clim, se soignent en Occident, prennent des vacances avec des femmes au bord des plages exotiques, mangent du saumon, mais se foutent pas mal de la condition humaine des autres. Au contraire, ils en rient, ils s’en moquent; ils les dénigrent. Triste ! Plus ces « riches » s’enrichissent, plus ces pauvres s’appauvrissent !
Et finalement, la misère dans ce Cameroun d’en bas, est devenue une doctrine. Elle étend d’ailleurs bien ses tentacules partout. Quel misérable gâchis!
Fabrice NOUANGA
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