Les quatre vraies raisons qui expliquent l’immigration clandestine des Camerounais

Article : Les quatre vraies raisons qui expliquent l’immigration clandestine des Camerounais
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4 août 2021

Les quatre vraies raisons qui expliquent l’immigration clandestine des Camerounais

Les récents événements survenus la semaine dernière, où une jeune Camerounaise de 37 ans a cruellement perdu la vie au désert du Sahara occidental, en voulant ralier l’Europe par voix terrestre continuent d’alimenter les conversations et la toile au Cameroun. La vidéo de la jeune femme agonisant et desséchée sous le soleil ardent du Sahara a alors fait le tour du monde. Elle est finalement décédée et a été enterrée dans le sable mouvant du Sahara laissant sa famille et ses enfants sans voix. Juste parce qu’elle voulait vivre à Mbeng.

Il y a un mois à peu près, une amie Mbenguiste est venue passer quelques temps au pays. Son séjour terminé, ce mardi, elle est repartie. Mon amie m’a sollicité comme chauffeur, pour l’accompagner à l’aéroport afin d’éviter les tracasseries des taxis. Ainsi, j’ai eu la gentillesse de la conduire à Nsimalen avec ma petite « caisse ».

Mais, pendant tout le trajet pour l’aéroport, ma chère Mbenguiste n’a passé le temps qu’à se lamenter, car éprouvant une certaine nostalgie à abandonner le pays. Ce pays allait lui manquer cruellement, et si et ça. Elle ne comprenait surtout pas ce qui pouvait motiver nos compatriotes comme la jeune femme décédée, à vouloir absolument quitter le Cameroun au prix de leur vie en empruntant parfois le désert du Sahara occidental et la Méditerranée.

Un bateau de migrants chavirant en mer. Crédit photo : journal « La dépêche »

Je lui ai alors répondu que nos compatriotes n’ont qu’un objectif : voir Mbeng et mourir. C’est le credo des Camerounais. 

Elle ne sait donc pas que pour les Kamer, Mbeng c’est le « paradis » ? Elle  ignore que, quand un Kamer arrive à Mbeng, pour revenir s’installer au pays, ce n’est pas du tout facile. Elle sait même combien de kamers veulent bien rester au pays, mais n’y arrivent pas. Et que la plupart des Kamers n’ont qu’une ambition: aller à Mbeng à tous les prix et y caler sans plus jamais vouloir rentrer au bercail? Pour eux, il y a trop « d’avantages » là-bas. Car, dans la tête des Camerounais,

I- MBENG, C’EST NYANGAAAAAAA, ONONG….

Sincèrement hein, pour eux Mbeng c’est Mbeng ! Faut pas qu’on leur voile les yeux.  Le coin là est tellement beau, top graaave ! Même sur les photos, ça se voit massa. Et juste ça là, ça leur donne forcément l’envie d’y aller et de rester là-bas. Surtout qu’il y a une catégorie particulière de Mbenguistes, certains de frères et sœurs «Mbenguistes» qui aiment afficher leurs photos sur facebook à longueur de journée. Ils se photographient partout massa. Tout à Mbeng les blase. Même les W.C. Les endroits qu’ils n’avaient jamais vu ici et qu’ils rêvaient tant de voir, sont désormais à leur portée. Hum, les autoroutes, les gratte-ciel, les échangeurs, les hôtels dix étoiles, les grosses cylindrées, les musées, les monuments, les transports urbains et inter-urbains, les infrastructures sociales et médicales, les logements sociaux, et même les poubelles oh ; tout est «nyanga» à Mbeng, onong. Et avec ça, un gars ou une go ne va pas exposer sa vie pour y aller comment. Il voit ce genre d’infrastures ça où ici? Sincèrement hein, je ne sais pas ce qu’on a même planté à Mbeng là ; et ce « confort » fait donc baver nos compatriotes jusqu’àààà.

Ils en sont ébahis. N’y a qu’a les voir sur les photos. Oui, nous pourrons au désert et dans la Méditerranée pour rêver voir la tour Eiffel, le musée du Louve, le Pentagone… parce que, au Kamer, nous on a que les nids d’éléphants sur les routes, les immeubles qui s’écroulent, les taxis et les motos surchargés, les routes en boue, les axes lourds cimetières, les hôpitaux mouroirs, les mini échangeurs éternellement simplifiés, les stades non couverts,  les inondations intarissables, les ordures le long des rues, les prisons surpeuplées, les marchés qui brûlent, les robinets secs à vie, les ampoules toujours éteintes…

Au moins à Mbeng, le Kamer qui n’a jamais vu un gratte-ciel avec les yeux là, ou une autoroute digne de ce nom, va enfin réaliser son rêve hein! Que du chic et du beau massa! Tout simplement magnifique! Oui, ce qui est bien à Mbeng, c’est qu’il est beau, chic, et whaouuuuuuu ! En fait, à certains endroits hein!
Et vous voulez que les Camerounais n’y aillent pas pourquoi dis donc ?

La Tour Eiffel en France
La Tour Eiffel en France… crédit photo : France photos

2- MBENG, C’EST LA BOUFFE À GOGO, LA BONNE…

Certains peuvent croire que c’est banal hein. Beaucoup de Camerounais qui affrontent la route de Mbeng, y foncent juste à cause de la « bonne » nourriture que Mbeng semble leur faire miroiter. Pour eux, Mbeng a un très grand avantage au niveau de la bouffe. Vrai. Là-bas au moins, ils sont très sûrs d’avoir de gros morceaux de porc, de poulet ou de bœuf dans un plat tous les jours. La nourriture c’est quoi là-bas éh ? Les grands super-marché jettent ça tous les jours dans les poubelles. Il suffit juste d’aller ramasser.

Sans compter que, à Mbeng, il y a des « services alimentaires » où tu peux aller prendre quand tu veux, un peu de riz parfumé, quelques sardines, le lait, le beurre, les spaghettis ; bref les denrées de première nécessité quoi, et tout ça, très moins chers hein. Même s’il reste 1 jour avant la date de péremption ; et puis quoi encore? Depuis quand le Noir meurt de ce genre de chose dis donc ? Et les Camerounais savent par exemple qu’il y a les « restaurants de cœur » qui offrent la bouffe moins chère ! Alors qu’il faut voir ce que certaines personnes mangent dans nos familles ici. Parfois, tu te demandes si c’est toujours des humains. Sans compter que, chez nous, il y a encore des gens qui dorment sans manger hein. Manger pour certains au Kamer, est un vrai calvaire. N’en parlons pas alors de goûter du poulet, du porc, ou du bœuf, hum, là alors, c’est encore un luxe chez nous massa. Pourtant, pour un Mbenguiste, le poulet, le porc, le bœuf, c’est quoi?

Pour vous en convaincre, observez bien les « Mbenguistes » quand ils rentrent au pays. Vous voyez vous-mêmes, comment ils prennent les joues, les ventres et les fesses non! Regardez comment ils sont gros et gras. Les gars et les go ont des « kilos » massa. Vous pensez que s’ils étaient restés sur place, ils allaient prendre ce poids comme ça? Tellement, ils sont obèses et bien remplis jusqu’à. Alors qu’ici, ils étaient « njanga » et squelettiques. Vous croyez que c’est dû à quoi tout ce poids désordonné là ? Les gars mangent à Mbeng, bien et trop même dis donc ! A Mbeng, c’est la bouffe qui manque le moins. Et vous voulez donc que les restent faire quoi ici dis donc ?

Un bon plat de nourriture, comme on sait les servir à Mbeng...
Un bon plat de nourriture, comme on sait les servir à Mbeng…crédit photo : Marc Julien

3- MBENG, C’EST LE POINTAGE, LE VRAI…

Pour les aventuriers à l’immigration, ils rient souvent quand les gens comparent notre chômage à celui de Mbeng hein. Pour eux, chez nous, tu peux chercher un petit job toute ta vie, tu ne trouves rien. Pourtant, à Mbeng quand tu cherches bien là, tu  finis par trouver quelque chose. Et les Kamers qui décident de partir le savent bien. Dans leur tête, ce sont les paresseux qui chôment là-bas à Mbeng dis donc ! Il y a de ces petits boulots et un pointage qui ne dit pas son nom à Mbeng jusqu’à : balayeur de rues, baby-sitter, coiffeuse, domestique, prostituée de luxe, homosexuel VIP, plongeur de restaus, promeneur de chiens, videur de boite de nuit, laveur de cadavres, tondeur de gazon, « gardeur » de pépés et de mémés, « gigolo » ou « couguars » et même « bayam-sellam » hein, etc.

Des petits boulots comme ça, bien payés hein, qu’on peut exercer sans honte, loin des gros yeux des «jaloux» et moqueurs du Kamer là. Donc, les vrais «Mbenguistes» pointent massa! Vous comprenez donc que Mbeng n’est pas comme chez nous, où dès que tu ouvres ta caisse de cigarettes, les gens se moquent de toi, la communauté urbaine te casse, « awara » ramasse et détruit tout. A Mbeng, même si tu ne trouves pas un petit job, tu peux créer ta part massa. Le pointage est de taille. Voyez vous-même les « courageux » gars et go de Château-Rouge (Paris) comment ils se battent dis donc? Je les admire tellement. Ils vendent eux, les arachides, les « bobolos », les prunes, les kolas dans la rue sans soucis. Ils pouvaient faire ça ici sans problème? Mbeng seul leur donne ce genre d’opportunités. Voilà ce qui motive à partir. Surtout que au Kamer, si tu n’a pas le cœur dur hein, tu vas sauf que braquer, onong !  Et quand les Mbenguistes reviennent en vacances brûler leurs euros économisés là, on est les premiers à les suivre derrière comme les mouches. Comme si on savait les sacrifices que les gars font pour s’en sortir. Vraiment hein. Et avec tout ce pointage, vous voulez que les Camerounais n’aillent pas affronter le désert et les requins comment ? 

Un éboueur africain en Europe...
Un éboueur africain en Europe… crédit photo : Marc Julien

4- MBENG, C’EST LA RÉUSSITE, LA FAUSSE

Humm, mon frangin là s’étonne de voir que les Camerounais ne veulent que partir dans leur Mbeng là hein. Vrai, je wonda sur lui! Il ne sait pas que « Mbenguiste » égal réussite? Même si c’est une fausse, ça fait quoi? C’est bien cette réussite qui crée évidemment la vantardise ; le «m’as-tu vu ?» chez bon nombre de Mbenguistes quand ils reviennent au pays! En fait, arriver à Mbeng, pour un Kamer ou une Kamer, c’est un signe réel de réussite. Les gens savent qu’au pays, on n’est rien. Même si tu fais quoi oh, qui te voit? Mais, tente de « traverser » éh, tu prends subitement de l’importance aux yeux des gens et on commence à te donner le café massa. Tout le monde sait que c’est à Mbeng qu’on devient subitement quelque chose massa! Ainsi, au Kamer, dès qu’un gars ou une go, arrive à Mbeng, il/elle devient différent(e) des autres ; apparemment il/elle ne « chie » plus comme tout le monde. Qui le/la peut même encore éh?

Et il y a un type de Mbenguistes là, même s’il/elle n’a jamais eu le CEP, et qu’il/elle était le dernier du quartier ici ; dès que le gars ou la go « traverse» seulement, ah yaaaah, il/elle devient super « riche », «intelligent» et « important ». Ça fait donc que les « Mbenguistes », parfois sans le savoir, deviennent tous si vantards et bons « crâneurs » massa ! Le « craning » est dans eux, à leur insu. Eux-mêmes ne s’en rendent pas très souvent compte. Et toit cela fait rêver et stimule l’envie de quitter le pays. N’est-ce pas voici les vacances. Vous-mêmes observez quand un Mbenguiste revient de Mbeng! Les « Bledards » croient seulement qu’il roule sur l’or. Surtout que c’est le représentant de tout une famille à Mbeng. On les surnomme partout : « Presiiiiiiiiii » , « Grand boss » , «Le Proooooo» , « Big récée », « la go des ways », « la Blanche », le « Faroteur »… Et tout « l’attalaku » là, juste pour négocier une petite «Guinness», un « Kolo », ou juste un morceau de porc braisé oh! Et les Mbenguistes alors, quand ils entendent les « villageois leur faire le genre d’attalaku là, ils «whitisent» et cranent encore alors graaave. Et ils font ainsi tomber les « petites waka » naïves ou les « gros gigolos » sensés.Oui, ce qui est bien à Mbeng, c’est qu’une fois qu’on sort de là-bas, on prend des ailes ; on est super «boss» et on peut donc se vanter jusqu’à et s’offrir tous les services qu’on veut! Pourtant on s’est parfois endetté pour avoir un visa. Des dettes qu’on n’a jamais fini de rembourser. On a tout sacrifié. On a tout abandonné.Vous comprenez donc pourquoi avec autant « d’avantages », les « Blédards » bavent et cherchent à tous les prix d’arriver à Mbeng et ne reviendront d’ailleurs plus non? Entre Mbeng et le Kamer, il n’y a pas match dis donc!

Mbenguistes Camerounais...
Mbenguistes Camerounais… Crédit photo : Marc Julien

ALLER À MBENG À TOUT PRIX ET MÊME S’IL FAILLE MOURIR…

Eh oui, voilà là des raisons banales et insolites qui poussent pourtant bien des Africains et bien évidemment des Camerounais à quitter en masse tous les jours le continent, pour se rendre en Occident et y rester sans plus vouloir revenir, au prix parfois de leurs vies et de multiples sacrifices ; ceci dans l’espoir de goûter au « paradis terrestre », mais surtout dans le but de fuir et abandonner la misère ambiante de leurs pays, plongés en majorité dans une pauvreté galopante et indescriptible.

Pourtant, comble des malheurs, la déception est vite souvent arrivée et le retour forcé s’impose tout de même quelquefois! On finit dans ces cas, par braver la honte et se réinstaller dans son pays d’origine. Et comme le disait le Mondoblogueur Benjamin Yobouet  dans un de ces articles que je vous invite à lire ici, Non, rentrer ce n’est pas échouer, il n’y a pas de honte à revenir dans son pays d’origine ni à y vivre. Alors chers Camerounais, il faut rêver partir, c’est vrai, mais pensez surtout à rester chez vous, car nul n’est mieux que chez soi. On ne saurait se couper définitivement de ses racines. Elles font partie de nous.

Au moment de s’envoler, ma chère Mbenguiste m’avouait alors qu’en fait, elle voudrait bien rester au pays, mais elle a tant honte de ce que ses amies pourraient alors penser d’elle. Surtout qu’elle leur a dit que là-bas à Mbeng, elle s’en sortait graaaaaaaaave. Mbeng là hein ! Ça rend même déjà les gens si stupides? 

Ma pensée émue et profonde pour tous ces Camerounais et camerounaises fauchés au désert et dans la Méditerranée en voulant réaliser leur rêve de vivre en Occident.

Fabrice Nouanga

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