Pourquoi les fake News ont-elles tant de succès au Cameroun?
Les fake news, en français « fausses nouvelles », « infox » ou encore « informations fallacieuses », sont des informations mensongères, diffusées et propagées dans le but de manipuler ou de tromper l’opinion publique. Prenant une importance singulière à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, elles peuvent émaner d’un ou de plusieurs individus (par le biais de médias non institutionnels comme les blogs ou les réseaux sociaux), d’un ou de plusieurs médias, d’un homme d’État ou d’un gouvernement.
Ces infox menées à travers les articles , les tweets, les posts, les photos, les vidéos d’infox, emploient souvent des titres accrocheurs ou des informations entièrement fabriquées en vue d’augmenter le nombre de lecteurs , de vues, de likes, de commentaires et de partages en ligne.
Sous formes de rumeur, canular, propagande, théorie du complot, faits interprétés par des alternatifs ou des extrémistes… Les « fake news » connaissent curieusement un succès inquiétant au Cameroun. Les Camerounais en raffolent. Ils les adorent. Ils en ont font leur dada.
Les débats sur les infox ont pris une ampleur singulière au Mboa, non plus par l’intermédiaire de la presse institutionnelle mais via les réseaux sociaux, comme Twitter ou Facebook, dont les utilisateurs ne sont pas soumis à la déontologie journalistique, notamment à la règle de vérification des faits, et peuvent donc véhiculer impunément de grandes quantités de mensonges.
Mais pourquoi donc, les fake news sont-elles autant partagées au Cameroun et y ont tant de succès?
I- Les Camerounais sont adeptes du kongossa
L’une des premières raisons pour laquelle les fake news prospèrent au Cameroun, c’est parce que les Camerounais ont un appétit poussé pour le « Kongossa ». Le kongossa (parfois orthographié congosa) est un terme d’origine camerounaise qui désigne les rumeurs publiques, le bouche-à-oreille et les commérages de quartier.
Ceux qui calomnient ou commèrent vont donc utiliser des forfaitures qui consistent à laisser croire ou envisager des choses qui ne sont pas vraies, des attitudes imaginées, des actes attribués sans preuves. Et tous les jours, combien de victimes, combien de « cadavres », combien de dégâts directs ou collatéraux, mon Dieu ?
Le kongossa est devenu au Cameroun une arme de destruction massive, vile et abjecte, employée par les envieux, les esprits bas et petits, les sans scrupule, les jaloux, les méchants, les mécontents, les frustrés, contre ceux qu’ils détestent et haïssent, et parfois sans raisons.
Le commérage au Cameroun a donc atteint des proportions terribles. Il va même bien au-delà de simples « on-dit ». Il déploie fortement une réelle volonté de nuire, de faire souffrir, de rabaisser l’autre. C’est une sorte de crime sans armes, un assassinat psychologique conscient et calculé.
II- Les Camerounais aiment créer le buzz
L’anglicisme buzz désigne une rumeur créée pour propager rapidement, via Internet, un message sur soi-même, sur quelqu’un ou sur quelque chose, dans le but d’en faire parler le plus possible. L’objet du message est, en général, présenté comme étant à la pointe d’une fake news.
Le buzz est donc une des causes du succès des Fake news. Il est cette technique de communication qui s’appuie sur les internautes, via leurs courriels, leurs blogs, leur participation à des forums, etc., pour aider à la propagation des fausses nouvelles. Il consiste à en faire parler, à susciter l’intérêt et la curiosité, grâce à un bouche-à-oreille habilement organisé auprès de l’opinion et qui relaie ladite fausse information auprès de la population qui est ciblée.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) permettent ainsi une diffusion très rapide et large de ces faux messages et de ces fausses nouvelles. Et au Cameroun, le buzz est roi.
III- Les Camerounais ont une attention trop limitée
Face au grand flux d’informations, les Camerounais sont moins attentifs à ce qui est partagé. Plus une information est vue ou entendue au Cameroun, plus elle est considérée comme vraie. Et les Fake news en profitent donc pour s’infiltrer. La répétition d’une même nouvelle par plusieurs personnes mène les Camerounais à l’idée de véracité. Ainsi, la simple lecture du titre d’un article partagé mille et une fois, renforcera la croyance dans le contenu de l’article sans même l’avoir lu.
À cause de ce manque d’attention, les Camerounais choisissent donc toujours le mauvais canal d’information qui véhicule les fake news plus répandues sur Internet.
De plus en plus, à cause de leur attention limitée, s’informent via les réseaux sociaux. Or, ces derniers, Facebook en tête, sont le canal privilégié pour le relais de ces fausses informations. Les auteurs utilisent des formats qui attirent, accrochent le regard comme des images, des vidéos et des mèmes. Et on y croit les yeux fermés.
IV- Les Camerounais se fichent de leurs sources d’information
Les Camerounais s’en foutent pas mal de la personne qui a divulgué une information. Pourtant, le premier réflexe lorsqu’on reçoit une information, c’est d’accorder plus d’attention à la personne qui diffuse cette information et donc à la source qui l’a publiée. Un article partagé par une personne de confiance (ami, famille, personnalité publique…) aura plus de chance d’être perçu comme exact que s’il était partagé par quelqu’un à qui l’on accorde peu de crédit.
Malheureusement au Cameroun, n’importe qui peut publier une information et tout le monde se jette dessus et y croit. Personne ne cherche à la vérifier. Personne ne cherche à connaître d’où elle vient, les intentions de la personne qui l’a annoncée. On avale tout. On se fait emballer par tout. On croit à tout sans objectivité ni la moindre vérification de la source. On gobe tout comme des enfants. Une crédulité indescriptible caractérise les Camerounais.
V- Les Camerounais développent un sentiment de suivisme moutonnier
L’être humain est un être social. En partageant ainsi les informations, fausses ou pas, d’un groupe, il aura le sentiment d’appartenir à ce groupe et d’être en accord avec sa façon de penser et ses idées. Remettre en cause ces informations partagées, c’est mettre en doute le groupe. Ainsi fonctionnent les Camerounais. Parce qu’étant membres de tel ou tel groupe sociologique, ou tel forum, ou tel entité, ou tel bord politique, tout ce qui y est dit est donc pris comme vérité d’évangile. On ne saurait le renier. On adopte ainsi un suivisme moutonnier à nul autre pareil.
La confiance est telle qu’aucune vérification n’est faite et que l’information erronée est partagée. Et les Fake news connaissent ainsi un succès inquiétant et incontrôlable.
VI- Les Camerounais aiment blaguer avec les intox
La fake news au Cameroun est pour certains, devenue un art du jeu, dont le but est surtout de polir. Au Cameroun donc, on aime parodier l’actualité. Le problème, c’est que certaines personnes ne se rendent pas compte de la gravité d’un tel divertissement puérile et piteux, car jouer ainsi avec des informations mensongères et les partager, c’est la plus grosse des naïvetés et des passivités.
La majorité des Camerounais qui partagent souvent les fake news, savent parfois que c’est faux, mais pour jouer avec les consciences et nuire, ils le font quand même… Ensuite, cela s’affiche dans leur fil d’actu, celui de leurs amis, puis des amis de leurs amis… et là, on tombe sur des gens qui ne pigent plus rien à la fin et s’embrouillent.
VII- Les Camerounais adorent les scoops
Le scoops est un anglissisme qui désigne une information exclusive. Chaque Camerounais aimerait donc avoir cette exclusivité. Et automatiquement, il publie très vite des fausses nouvelles sans les avoir vérifiées.
On murmure… », ‘On pense que… », « On croit savoir que… », « On dit de source autorisée que… », « Il paraîtrait que… », « On vient d’apprendre que… », « Il semblerait que… », « Il serait question de … » ! Des expressions pareilles accompagnent toujours ces Fake news, relayées ça et là et de façon virale.
Des scoops nous inondent donc au quotidien au Cameroun- dans une concurrence effrénée – afin de régner en maître sur un audimat proposé aux « chers zauditeurs » des chaînes de radio et de télévision. Il en est de même d’une certaine presse écrite soucieuse de ne pas voir baisser ses tirages.
On ouvre ainsi sournoisement la fenêtre du murmure qui sera dirigé, pendant des semaines, tel un feuilleton à rebondissements, pour maintenir éveillé le citoyen qui s’interroge.
Les fake news ont encore du chemin au Cameroun…
Voilà la réalité des Fake news au Cameroun. Voilà autant de raisons pour lesquelles elles ont un succès inquiétant chez nous.
L’opinion générale camerounaise est ainsi tous les jours plongée dans le leurre et dirigée vers une information dénuée de toute assise saine dans un raisonnement qui échappe à tout entendement.
Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, alors, Messieurs et Mesdames des médias traditionnels et sociaux, avant d’agiter votre plume pour lancer une news, commencez donc par vérifier si le chien en question a la rage ou non.
Abandonnez ce « ON » murmuré et restez crédibles. « ON », pronom bête me répétait mon père ! Un journaliste ou un internaute intègre, honnête et dans sa plume, apolitique – il en existe encore fort heureusement – vérifie ses sources, les contrôle et restitue une information avérée, tandis que tant d’autres se plaisent à faire monter une mayonnaise indigeste sur un « on dit », un bruit de couloir d’une nouvelle controversée ou incontrôlée, avec le dessein de faire valoir son support et sans s’inquiéter de nuire au nom de la sacro-sainte information. Dans ce dernier cas, tout le monde connaît l’air de la calomnie et il restera – hélas – toujours quelque chose de nauséabond.
Et tant que nous continuerons à avoir des comportements aussi abracadabrants, les Fake news elles aussi, continueront à avoir un succès incroyable et indigeste.
D’ailleurs, il y a une semaine, j’étais moi même victime d’une fake news, où une dame aux intentions malsaines, m’avait carrément annoncé pour mort de façon brusque et tragique. La fausse information était devenue virale et avait fait le tour du pays en une poussière de seconde.
Ah ça !
Fabrice Larry Nouanga
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